Depuis fin 2010, les Caf ne prennent plus en compte les frais professionnels réels des travailleurs handicapés pour calculer leur AAH. En toute illégalité. Le Conseil d’État vient de rendre une décision qui devrait obliger les caisses à ne plus leur imposer un abattement forfaitaire, parfois moins avantageux.
Les Caf devraient enfin être obligées d’appliquer la loi. Rien que la loi. Pour le plus grand bonheur de certains allocataires de l’AAH exerçant une activité professionnelle. Le Conseil d’État vient en effet de donner tort à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette dernière refusait, jusqu’alors, de prendre en compte les frais professionnels réels pour le calcul de l’allocation adulte handicapé. En toute illégalité, estime la plus haute juridiction administrative française, dans sa décision rendue le 1er avril.
Forfait de 10 % ou frais réels ?
Le droit à l’AAH et son montant dépendent du revenu net catégoriel retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. L’administration fiscale le calcule, pour les salariés, en déduisant de leurs ressources un forfait de 10 % ou les frais professionnels réels (kilomètres, etc.). Les contribuables choisissent la solution la plus intéressante pour eux.
Des salariés handicapés pénalisés
Or, depuis le passage, début 2011, de la déclaration annuelle de ressources à la déclaration trimestrielle, pour les allocataires salariés, les Caf ne leur laissent plus le choix. Elles appliquent automatiquement le forfait de 10 %, comme l’exige une instruction de la Cnaf datée de novembre 2010. Ce qui désavantage donc tous les travailleurs handicapés dont le montant des frais réels est supérieur à ces 10 %. Leur revenu net imposable est, de fait, plus élevé, et le montant de leur AAH différentielle, inférieur.
La Caf de Vendée condamnée par la Cour d’appel de Poitiers
Thierry Craipeau, un allocataire en situation de handicap qui parcourait 129 km par jour aller-retour pour se rendre au travail, était dans cette situation. Depuis 2011, le montant de son AAH avait baissé. Il avait donc saisi la justice. En juin 2015, la cour d’appel de Poitiers lui avait donné raison mais les Caf avaient continué à appliquer le forfait de 10 %, conformément à l’instruction de novembre 2010.
APF France handicap saisit le Conseil d’État
APF France handicap avait donc demandé à la Cnaf de retirer les dispositions de ce texte concernant le forfait de 10 %. En vain. L’association a alors déposé, en juin 2018, une requête auprès du Conseil d’État. Elle lui demandait d’annuler « pour excès de pouvoir » la décision de la Cnaf de ne pas les abroger.
« La Cnaf a méconnu » la loi
Les magistrats ont jugé cette requête légitime. « En prescrivant (…) l’application systématique d’un abattement de 10 % sans possibilité de déduction des frais réels du revenu brut, (…) la Cnaf a méconnu le sens et la portée des dispositions législatives et réglementaires », notent-ils.
Ils ont donc « annulé (…) la décision implicite » du directeur général de la Cnaf de ne pas abroger cette prescription. Il devrait désormais enfin s’y résoudre… après plus de huit années d’une pratique illégale.
Quelles démarches devez-vous entreprendre ?
Vos frais professionnels sont supérieurs aux 10 % d’abattement forfaitaire ? Précisez, dès votre prochaine déclaration trimestrielle, que vous voulez opter pour la déduction des frais réels. Mentionnez bien aussi, dans ce courrier avec accusé de réception, les références de l’arrêt n° 42 1160 du Conseil d’État. Si votre Caf refuse, saisissez sa commission de recours amiable, puis si nécessaire, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale.
Faire Face - 5 avril 19 - Franck Seuret