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Douze millions de Français sont concernés par le handicap

La notion de handicap regroupe des pathologies variées, souvent invisibles et pas toujours diagnostiquées.
Malgré de multiples dispositifs et un lourd budget consenti par l'État, l'égalité réelle visée par la loi de 2005 n'est pas atteinte.

C'est quoi, le handicap?
La loi du 11 février 2005, pose une définition large du handicap : "[...] toute limitation d'activité ou restriction à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant." Un panorama de réalités contrastées dépassant l'image emblématique des personnes en fauteuil (2% des cas). On distingue cinq familles de handicaps : moteur ; sensoriel
(visuel et auditif) ; psychique (pathologies psychiatriques ou perturbant la personnalité) ; déficience intellectuelle ; maladies invalidantes temporaires, évolutives ou permanentes (pathologies respiratoires, digestives, parasitaires ou
infectieuses). Cela inclut aussi bien l'asthme, le diabète, le sida ou le cancer que les troubles musculosquelettiques.
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Qui est concerné?
Le handicap touche environ 12 millions de Français, mais la moitié seulement s'en déclareraient porteurs. Une personne sur deux pourra y être confrontée dans sa vie, par exemple à la suite d'un accident, d'une maladie ou d'une blessure. Un chiffre en hausse, notamment à cause du vieillissement et de progrès dans le dépistage. Une grande majorité (80 %) de ces handicaps sont dits "invisibles".
Les personnes qui en souffrent rechignent à les révéler : crainte de l'isolement, de la stigmatisation, méconnaissance du cadre professionnel... D'autre part, l'accès au diagnostic, sésame pour réclamer une reconnaissance et obtenir une aide adaptée, reste inégal. Ce que déplore la Fédération française des dys (qui défend
les personnes atteintes de troubles cognitifs spécifiques comme la dyspraxie, la dyslexie, la dyscalculie...) : 6 à 8% de Français en seraient atteints.

Quels sont les droits ?
Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) étudient les demandes de reconnaissance et calculent les droits, versés aux bénéficiaires par financements croisés entre État et collectivités. La majorité des 4,6 millions de personnes concernées âgées de moins de 60 ans vit sans aucune aide ni compensation. On compte 1,195 million de bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) en 2018.
Ce revenu mensuel de 900 euros pour une personne seule est accordé sur justification d'un taux d'incapacité permanente de 50 % minimum et selon des critères d'âge, de ressources et de résidence. Son coût global a bondi de 70% en dix ans. D'autres aides s'ajoutent, comme la prestation de compensation du handicap (PCH), accordée à près de 300.000 personnes. Elle couvre des dépenses liées à la vie courante et sociale, tel l'aménagement du logement ou de la voiture.

Que se passe-t-il au travail et à l'école?
Au travail, les entreprises de plus de 20 salariés doivent compter au moins 6 % de personnes handicapées. En 2017, ce taux plafonnait à 3,4 % dans le privé et 5,2% dans le public. Faute de remplir cette obligation, les entreprises versent une contribution à l'Agefiph, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées.
En 2018, près de 450 millions d'euros ont ainsi été collectés. Ces sommes financent des aménagements de postes, des formations et des accompagnements pour les personnes ayant obtenu la reconnaissance professionnelle du handicap. Depuis janvier, les entreprises de moins de 20 salariés doivent aussi respecter cette obligation, mais sans encourir de pénalité.

À l'école, 272 000 jeunes perçoivent l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH, au minimum de 132,21 euros mensuels) destinée aux moins de 20 ans. À cette aide peut s'ajouter un complément selon les besoins spécifiques et le taux d'incapacité. Aujourd'hui, 380 000 enfants et adolescents sont scolarisés. La MDPH peut leur attribuer des accompagnants (AESH, ex-auxiliaires de vie scolaire) en classe et sur le temps périscolaire. Mais le manque de personnel est criant, et l'aide souvent limitée à quelques heures par semaine. À la rentrée 2019, 4% des élèves concernés n'avaient aucun accompagnant.

Pourquoi ça coince?
L'État consacre chaque année plus de 46,6 milliards d'euros au sujet. Néanmoins 2 millions de personnes handicapées vivent sous le seuil de pauvreté. "Nombre de droits restent des droits formels dont l'effectivité n'est pas assurée", concluaient le député Adrien Taquet (devenu secrétaire d'État) et le conseiller du Cese Jean-François
Serres dans un rapport en 2018. "Le système global de prestations [...] est marqué d'une complexité probablement sans égal dans l'univers administratif français". Délais inégaux selon les territoires, acronymes barbares, empilement de dispositifs, multiplicité d'acteurs... Un système "illisible", résumaient-ils.

JDD - 9 février 2020 – Par Juliette Demey

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