Des formules d’habitat qui doivent respecter et garantir
l’individualisation du droit à compensation
Depuis quelques années, des formules d’habitat regroupé et d’habitat partagé se multiplient à l’initiative des personnes ou des familles elles-mêmes ou suite à l’initiative d’associations, dont l’APF.
Ces formules s’appuient très souvent sur la prestation de compensation du handicap (PCH), mises en œuvre par le biais de « PCH mutualisées ».
Lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, le président de la
République s’est exprimé sur ce sujet : « Est-ce qu’il ne serait pas possible que plusieurs personnes, bénéficiant de cette prestation, puissent mettre en commun leur prestation de compensation du handicap et financer ainsi une aide dans le logement qu’elles partagent ? ».
L’APF alerte sur les dérives possibles qu’induit le terme de « PCH mutualisée » ou de « mise en commun de leur prestation » : un droit individuel peut-il être mutualisé ?
Aussi l’APF définit ci-après les conditions d’un socle qui respecte et garantisse l’individualisation du droit à compensation prévue par la loi du 11 février 2005 et qui
permette la mise en œuvre de formules innovantes d’habitats au domicile.
L’APF considère que l’habitat regroupé et l’habitat partagé constituent des modalités
innovantes de vie à domicile qui répondent aux souhaits de certaines personnes en situation de handicap et de leur famille afin de pouvoir choisir librement leur mode de vie, dans le cadre de leurs projet personnels.
Il s’agit pour elles de :
disposer d’un lieu de vie individuel,
être aidées et accompagnées pour les actes essentiels de la vie,
pouvoir vivre à proximité de leur environnement familial, social et inclusif,
éviter l’isolement,
participer à la vie sociale et d’exercer pleinement leur citoyenneté,
vivre en sécurité par le recours possible à des aides humaines pour des besoins non programmables.
La réponse à ces souhaits peut s’organiser sur la base de l’articulation concertée entre plusieurs personnes de temps d’intervention d’aide humaine, sans porter atteinte à leur droit individuel à compensation (PCH, allocation compensatrice tierce personne, majoration tierce personne, ...) ou à indemnisation.
L’APF affirme que l’organisation de cette aide humaine doit, dans tous les cas :
respecter et garantir la mise en œuvre du plan personnalisé de compensation (PPC), sur la base d’une évaluation prenant en compte tous les besoins,
proposer un temps d’intervention d’aide humaine qui soit une réponse supplémentaire au plan d’aide individualisé, une plus-value qui tienne compte des
attentes des personnes,
assurer des temps complémentaires de disponibilité de personnel en nuit ou en journée pour apporter la souplesse, la sécurité et la qualité de vie recherchées,
permettre à la personne de garder le libre choix des intervenants (prestataires, en
emploi direct, mandataire, ...) après concertation avec les autres personnes en
situation de handicap et les services concernés,
apporter des solutions sur mesure, au moment opportun, au plus juste de la réalité
des besoins.
et en aucun cas :
porter atteinte à leur droit individuel à compensation,
être mise en œuvre à des fins d’économie budgétaire,
minorer les plans personnalisés de compensation au motif d’un temps de prestation « partagé »,
faire obstacle à une réévaluation des besoins dans le cas où le nombre d’heures des personnes aurait été réduit du fait d’une mise en commun de l’aide, tant pour les
personnes qui sortiraient du dispositif que pour celles qui y resteraient,
financer la coordination des interventions d’aide humaine sur les prestations
financières individualisées ou partagées.
Par ailleurs, l’APF alerte sur l’attention à porter sur le cadre de ces formules de l’habitat regroupé ou partagé et donc de :
s’assurer que les droits et les devoirs des personnes en situation de handicap soient
garantis,
sécuriser les risques locatifs pour les associations supports de ces projets
garantir «l’environnement» de ces projets : position des financeurs, financement des restes à charge, position en cas de rupture de l’accord par l’un des colocataires,
appels à projets qui fixeraient les modalités de fonctionnement...,
s’assurer de la non-modélisation de ces dispositifs au risque de les faire évoluer en
structures médico-sociales règlementées,
ne pas substituer des modes de financement d’un établissement ou d’un service
médico-social par la prestation de compensation,
refuser que la PCH finance les services d’accompagnement à la vie sociale
préserver la valeur ajoutée et les possibilités d’innovation de ces formules qui
augmentent les possibilités de choix de mode et de qualité de vie citoyenne, à
domicile, au cœur des cités.
L’APF, tout en soutenant le développement de ces formules innovantes d’habitat regroupé ou partagé, s’oppose à tout dispositif ou évolution législative et règlementaire remettant en cause le principe de l’individualisation du droit à compensation ou à l’indemnisation.
Conseil d’administration du 24 janvier 2015