L’Assemblée nationale a adopté un article de loi qui va abaisser de 100 à 10 % le quota d’appartements accessibles dans les immeubles neufs. Dans les autres logements, les personnes en fauteuil roulant ne pourront plus accéder qu’au séjour et aux toilettes.
« Je tiens à rassurer les personnes handicapées : ce vers quoi l’on va n’est pas du tout une régression. » Sophie Cluzel va avoir du mal à convaincre. La secrétaire d’État était en service après-vente de la Loi Élan ce lundi matin, sur RTL. Vendredi soir, les députés de La République En Marche et du Modem ont en effet adopté le très controversé article 18.
Il prévoit d’abaisser de 100 % à 10 % la part des appartements dans des immeubles neufsdevant être accessibles aux personnes en situation de handicap. Les autres devront simplement être « évolutifs ».
Cantonnés au séjour et aux toilettes
Le gouvernement a profité de l’examen à l’Assemblée nationale pour préciser cette notion. Un logement sera considéré évolutif s’il remplit deux caractéristiques.
Primo : une personne en situation de handicap devra pouvoir y accéder et se rendre dans le séjour ainsi qu’aux toilettes. Une sacré « régression ». Un appartement accessible doit en effet, selon les textes en vigueur, être conçu de telle sorte qu’une personne en fauteuil puisse, en plus du séjour et des toilettes, accéder à la cuisine, à une chambre au moins et à la salle de bains.
Un siphon compatible avec une douche
Deuxio : la mise en accessibilité est « réalisable ultérieurement par des travaux simples ». Exemple : abattre la cloison entre les toilettes et la salle de bain. Un décret et un arrêté vont préciser les règles de construction que seront tenus de suivre les promoteurs pour que ces travaux soient effectivement simples. Il est d’ores et déjà acquis que le siphon devra être implanté de telle manière qu’une baignoire puisse être transformé en douche à fond plat.
Une mesure pour faire baisser les prix
Pourquoi le gouvernement veut-il réduire à 10 % le quota de logements accessibles ? Officiellement pour permettre à chacun de faire évoluer son logement en fonction des moments de sa vie. Par exemple : agrandir facilement la salle de bains quand un nouvel enfant arrive. Mais sans doute gage-t-il aussi que cette mesure fera baisser les coûts. « Si les chambres des logements font 10 m² contre 13 m² quand elles respectent les normes personnes à mobilité réduite, et si le séjour est un peu plus petit, on gagnera vite 5 m²,pointe Fabien Lainé, un député Modem soutenant le projet de loi. À 3 000 ou 4 000 euros du mètre carré, c’est un vrai bénéfice pour celui qui accède à la propriété. »
L’Anah priée de financer
Mais qui paiera ces travaux ? Dans les logements sociaux, la facture sera à la charge des bailleurs, assure le gouvernement. Et dans le parc privé ? « On ne peut pas imposer au propriétaire ni en droit ni en opportunité de réaliser ces travaux, a reconnu Julien Denormandie, le secrétaire d’État à la cohésion des territoires, devant les députés. (…) Il y aurait un gros risque que le propriétaire évince toute personne présentant un risque de mobilité réduite. » Pour lui, c’est le rôle de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) de les financer.
Une offre dix fois plus réduite
Trouver un logement dans les nouveaux immeubles d’habitation va devenir plus compliqué pour les prétendants en fauteuil roulant. L’offre accessible sera dix fois plus réduite. Avant d’emménager dans un appartement évolutif, il faudra en outre convaincre le propriétaire d’accepter de réaliser des travaux. Et, dans le privé, trouver les financements pour les mener à bien. Mais non, ce n’est pas une régression, assure Sophie Cluzel…
Les associations vent debout
L’article 18 du projet de loi Élan fait l’unanimité contre lui. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a demandé, en mars, au gouvernement «d’abandonner toute notion de quota de logements accessibles ». Idem pour le Comité d’entente des associations représentatives.
« Nous continuons à demander au gouvernement de retirer cet article, source de discrimination indirecte, plaide Nicolas Mérille, le conseiller national accessibilité d’APF France handicap. Il n’est pas trop tard. Le débat parlementaire n’est pas terminé. » Le texte doit désormais passer devant le Sénat.
Propos recueillis sur le site Faire Face :
https://www.faire-face.fr/2018/06/04/deputes-quota-logements-handicap/